J’ai choisi le gaillet gratteron comme emblème… mais pourquoi ?
Parce-qu’il pousse devant ma porte, là où je peux bien l’observer, et qu’il s’est accroché à mes chaussettes !
De nombreux noms vernaculaires reposent sur sa capacité à s’agripper.
Cette petite plante annuelle aux tiges plutôt fragiles est couverte de crochets solides qui donnent l’impression que la plante colle. Tige, feuilles, fruits, tout cela s’attache à l’animal qui passe pour être semé ou au végétal voisin qui servira de support.

La tige est carrée. Les feuilles sont petites, ovales et rassemblées par 6 à 8 sur un nœud. On dirait un tutu. On appelle cela un verticile. Verticile est synonyme d’étage en botanique. Les fleurs sont minuscules, blanches. Elles ne sont pas aussi suavement odorantes que celles du gaillet jaune, Galium verum, ou même du gaillet blanc, Galium mollugo, qui n’ont de crochets ni l’un ni l’autre. Les fruits sont des akènes ronds qui vont par deux, des diakènes, hérissés de poils recourbés, collants eux aussi.

Dans le même genre, l’aspérule odorante – Galium odoratum – est la plante médicinale et condimentaire la plus réputée. Elle développe au séchage un parfum vanillé typique des coumarines, que l’on retrouve aussi chez le mélilot et chez la fève de Tonka. C’est donc sur l’aspérule que l’on va trouver le plus d’informations…
Par comparaison, il y a peu de littérature disponible sur le gaillet grateron, sa composition, son utilisation.
Ethnobotanique
Thierry Thévenin rapporte qu’il peut servir de filtre roulé en boule dans un entonnoir. Les fruits du gaillet grateron peuvent être utilisés comme têtes d’épingle.
D’après Paul-Victor Fournier, ce sont les gaillets jaunes et blancs qui peuvent être utilisés pour faire cailler le lait. Toutefois, ces propriétés coagulantes sont à tempérer : « D’aye (1929) a trouvé, pour 8 à 10g de plante, 0,0001g d’une poudre-présure, tandis que Teichert pense qu’il ne s’agit pas d’une véritable action coagulante, mais bien plutôt d’une sorte d’acidification permettant le développement de micro-organismes normalement présents tant dans le lait que dans la plante. »
Cette réputation de caille-lait viendrait-elle du fait que le gaillet jaune serait ajouté à la présure pour parfumer et colorer les fromages de Chester ?
« Son emploi utilitaire est resté répandu (…) particulièrement en Angleterre, où, pour la fabrication des fromages de Chester, on a soin de mêler à la présure les sommités fleuries du gaillet jaune qui donne à la pâte une couleur et une saveur particulières. »
Comestibilité
François Couplan propose de manger les jeunes pousses du grateron. Selon lui, les parties plus vieilles seraient trop riches en silice pour être consommées. Pour avoir goûté crues les jeunes pousses au printemps, c’est assez bon, cela reste quand même plutôt amer, un peu comme les jeunes pousses de houblon. Et ça râpe la langue ! Il faudrait essayer en pesto, en omelette..

Un café ?
Fournier, Couplan, Thévenin rappellent que le grateron fait partie de la même famille qu’une des plus célèbres boisson du monde, le café ! Une infusion des fruits mûrs, c’est à dire au moment où ils passent du vert au marron, et torréfiés constitue un succédané de la boisson chaude la plus consommé au monde. J’ai des stagiaires qui ont essayé avec succès. La caféine est absente de cette préparation.

C’est ce qui m’avait inspiré l’intitulé « le café aux herbes », qui était ma série vidéo sur les métiers des plantes.
Médecine traditionnelle
On trouve des indications pour la tisane et la teinture-mère de Galium aparine chez Fournier et chez Valnet comme diurétique et sudorifique essentiellement (Cazin). Le jus de la plante fraiche est vulnéraire en externe.
Médecine chinoise
C’est en se tournant vers la médecine chinoise que l’on trouve des indications plus précises et plus intéressantes à mon goût. Anne Vastel, qui s’est spécialisée dans l’usage de plantes occidentales selon les principes de la Médecine chinoise, indique que le grateron va « fortement bouger et déloger l’Humidité et déloger les Glaires Denses. (…) Il faut l’utiliser avec précaution car elle peut provoquer des crises d’élimination (…) Le gaillet est efficace pour déloger Glaires et Humidité, mais par contre il ne mène pas ces pervers jusqu’aux portes de sortie, il faut donc le combiner à d’autres plantes ayant cet effet, par exemple des feuilles d’ortie – Urtica dioica – ou des racines de pissenlit – Taraxacum officinale. »
Les exemples d’humidité et de Glaires Denses donnés par Anne Vastel sont l’eczéma suintant, le psoriasis, les ganglions enflés, les kystes, les mastoses, les mycoses vaginales…
Lo gafaròt
L’occitan a mis sa verve au service de nombreuses herbes. Si le nom du grateron plante entière est plutôt l’arrapaman (l’accroche-main), le nom de son fruit est lo gafaròt (l’attrapeur, l’accrocheur). Comme c’est souvent le cas pour les noms vernaculaires, un seul nom, surtout s’il est descriptif d’une capacité, peut être partagé par plusieurs plantes. Lo gafaròt désigne aussi les fruits de l’aigremoine Agrimonia eupatoria et de la bardane Arctium sp.

C’est ainsi que j’ai choisi comme emblème le gaillet gratteron (Galium aparine, gafaròt), pour sa capacité à s’agripper à qui passe à sa portée : en vous emmenant à la rencontre des plantes sauvages, je souhaite vous laisser un brin de savoir ou de curiosité, que vous pourrez laisser s’épanouir à votre guise !
Sources
Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Paul-Victor Fournier, Omnibus, 1947. 2010.
La phytothérapie, Jean Valnet, Vigot 2001.
Les plantes sauvages, Thierry Thévenin, Lucien Souny 2012, 2013.
Médecine traditionnelle chinoise, Plantes médicinales occidentales, Anne Vastel et Sylvie Chagnon, Guy Trédaniel, 2020.
Encyclopédie des plantes comestibles de l ’Europe, François Couplan
Vol. 1 : Le Régal végétal, Debard, Paris 1984.